« PARTIE 1 : LE SYMBOLE »- Renée, attends…
- Non Kate ! C’en est trop ! Le jour où tu accepteras de faire quelque chose de ta vie et que tu comprendras que tout le monde ne peut pas se permettre de vivre sans attache et sans responsabilité, alors on pourra peut-être avec une véritable conversation ! En attendant, considère que cela est terminé entre nous !
Exaspérée, Renée quitta la chambre de Kate en claquant violemment la porte derrière elle. Prise de court par la surprise, choquée par l’étonnement et blessée au plus profond d’elle-même, l’héritière Kane demeura droite, fixe, sans feindre le moindre mouvement. Si ce n’est de finalement se laisser tomber sur son lit en ne pouvant retenir quelques larmes glissant le long de ses joues.
Difficile de parvenir à trouver sa place dans un monde qui ne vous laissait guère l’opportunité de choisir votre voie en toute liberté et en toute simplicité. Katherine n’avait jamais cherché à devenir une femme sans réelle vie, sans de véritables responsabilités. Son but n’avait jamais été d’être la riche héritière de la fortune familiale qui se laisse vivre en devenant une forme d’assistée ou de parasite pour la société. A l’inverse, c’était même une femme de volonté et de détermination mais à l’entêtement sans doute trop exacerbée. Elle n’avait jamais voulu vivre sa vie de manière enchaînée, en se devant faire quelque chose qui ne lui allait, qui ne lui plaisait pas. Tout comme son père, tout comme sa mère… Kate était une guerrière. Kate était une femme de devoir, une femme d’honneur. Kate était la servante patriotique de son pays, de sa ville, de sa terre natale ! Mais, les caprices du hasard et du destin sont parfois tellement fourbes qu’on ne peut pas assouvir toutes ses ambitions, aussi fortes soient-elles.
Une autre manière de dire que Renée la jugeait trop hâtivement ? La jugeait sans réellement la connaître ? Oui et non ! Car, en réalité, les paroles de la petite policière de Gotham se voulaient tout aussi blessantes parce que Kate tenait réellement à elle. Mais tout autant parce qu’elle n’avait pas tellement tord en fin de compte. Six années, voilà six années que Kate ne vivait plus d’un travail, ne vivait plus d’une seule et unique obligation. Six années à regarder le temps passé, à trouver la vie morne derrière des sorties et des fêtes à ne plus savoir qu’en faire. Six années durant lesquelles elle multipliait les relations, enchaînant les femmes et que son comportement ne faisait que se dégrader crescendo. Tout ça pour une loi stupide, tout ça pour un principe totalement idiot. Un exemple même de la bêtise hum aine et de son manque d’évolution intellectuelle !
---Flash-Back---
- Cadet Kane au rapport mon colonel !
La main portée au niveau du front, le corps bien droit, Kate demeurait en tenue de cadet sur le pas de la porte, attendant une quelconque réaction de son supérieur hiérarchique. Ce dernier se tenait devant une grande baie vitrée garnie de stores, les bras croisés dans le dos.
Sans se manifester, la jeune rouquine s’exécuta et prit place devant le bureau du colonel. A son tour, elle croisa ses bras à hauteur de ses reins et maintins le torse bien droit.
- Savez-vous pourquoi je vous ai fait venir ici ?
- Non, mon colonel !
- Bien, j’ai reçu une plainte vous concernant. Une plainte enfreignant l’article 125 du code militaire. Je présume que vous voyez de quoi je veux parler ?
Sans bouger sa tête, Kate avala difficilement sa salive sans que son visage ne laisse trahir la moindre émotion.
- L’article 125 du code militaire interdit toute relation homosexuelle au sein de notre armée sous peine d’exclusion, mon colonel.
- Précisément Kate…
Le colonel baissa la tête, laissant transparaître clairement le trouble et le dilemme que lui causait cette situation. Il s’avança vers Kate, tournant autour d’elle avant de finalement s’arrêter droit devant son visage, droit devant son regard.
- Je suis obligé de mener une enquête concernant cette affaire, Kate. Néanmoins, je peux m’arranger sans aucune difficulté à ce que cela soit fait dans la plus grande des discrétions… Si vous me dites que tout ceci n’est qu’une farce, une blague de mauvais goût de la part d’un de vos camarades de section, vous comprenez Kate ?
Ses iris verdoyants se plantèrent face au store, ignorant totalement le visage du colonel. La tournure de cette conversation lui semblait d’ores et déjà courue d’avance. Notre cadette était très loin d’être stupide. Et le ton employé par son supérieur ne laissait guère de doute quant à la finalité ou l’alternative qui lui serait alors proposée.
- Oui, je comprends mon colonel.
- Si vous reconnaissez cela, tout ceci ne sera qu’une mauvaise histoire fait de médisances et totalement absente de votre dossier, cadet ! J’espère que vous prenez conscience de cette chance qui vous est donnée, Kate ? Après tout, vous avez de la trempe et les qualités pour devenir un des meilleurs officiers que j’aurais eu à former. Et je ne voudrais en aucun cas qu’un simple malentendu nous prive de vos talents militaires !
Du charisme ? Bien sûr que cet homme en avait ! Après tout, n’en fallait-il pas pour pouvoir commander avec efficacité ? Attentive, à l’écoute malgré tout, Kate opina du chef, fermant un dixième de secondes les paupières avant de reposer son regard sur son supérieur.
- Je vous en remercie colonel. Et dieu sait que mon seul souhait est à jamais de servir ma patrie, quoiqu’il en coûte ! Mais, un cadet ne tolère nullement le mensonge, tant de la part des autres que de sa propre bouche.
- Kate, ne soyez pas stupide. Prenez la bonne décision, je vous en prie…
- Désolée mon colonel mais…
Quittant sa position dite de repos, Kate s’avança jusqu’au bureau de son aîné et vint enlever sa bague de service. Un bijou trônant à son annulaire gauche et marquant son appartenance aux forces militaires. Elle déposa ledit bijou à la surface du bureau en question.
Avoua-t-elle avec franchise avant de tourner les talons. Les qualités premières d’un soldat, d’un cadet, se devait d’être la loyauté, l’honneur, la bravoure et l’honnêteté. Rester parmi les forces armées symbolisait qu’elle devait renier à ce qu’elle était réellement, renier une partie de son être, une partie de ce qui lui permettait d’être cette cadette si talentueuse et compétente. Être sincère envers soi-même ou rester dans l’armée par le biais d’un mensonge… Son choix avait été fait ! Qu’importe l’image de déshonneur que cela apporterait aux yeux des autres !
---Fin Flashback---
Ce soir-là, Kate ne resta pas chez elle. A défaut de la chaleur des bras de Renée et de la magie des instants qu’elles auraient pu partager ensemble, mademoiselle Kane y avait préféré la chaleur et l’ambiance relativement rock’n roll d’un pub de la ville. La soirée était d’ailleurs bien animée et, surtout, bien arrosée. Kate ne regarda aucunement à ses consommations. Après tout, l’alcool était un bon moteur pour oublier, pour se noyer l’esprit et se laisser tout simplement aller. Et, ce principe, voilà près de six années qu’elle l’appliquait aussi régulièrement que possible !
Mais, malheureusement pour elle, ce soir elle rentrerait bredouille. Aucune femme intéressée, aucune personne ne tombant sous le charme de son physique particulier et de son caractère bien trempé. Elle partagea, tout au plus, un moment de franche camaraderie avec des compagnons de boisson et rien de plus. Toutefois, leurs rires et leurs bonnes humeurs ne suffirent pas à masquer la réalité aux yeux de notre rouquine qui préféra écourter sa soirée, sa nuit et rentrer chez elle.
C’était une nuit sans lune. C’était un soir de pluie. Kate marcha le long des rues de Gotham, l’esprit perdu dans les méandres de ses pensées et de sa mélancolie. Elle ne voulait pas perdre Renée, elle ne voulait pas que cela se termine de cette façon et, par-dessus tout ! Il lui était impossible d’admettre qu’elle donnait volontairement l’image de cette femme aussi irresponsable et aussi détachée qu’on lui prêtait.
- Je veux ton fric, ton téléphone et tout ce que t’as de valeurs !
Notre belle rousse était en train de laisser un message d’avoeu, un message de sentiments à sa promise sur la messagerie de cette dernière lorsque la voix rocailleuse et menaçante de cet homme se fit entendre derrière elle. A défaut d’être prise de panique, Kate sentit alors comme une décharge d’adrénaline et de colère l’envahir de part en part !
- T’as entendu ce que je t’ai dit ?!
Répéta l’homme en s’élançant vers sa proie. Mais, tel un soldat toujours actif, Kate se courba vers l’avant, évitant ainsi le coup de son agresseur. Un simple mouvement de défense avant qu’elle ne réponde par l’attaque. D’une main agrippant solidement son poignet, elle saisit ledit agresseur et le propulsa au sol !
- Je ne suis pas ta victime ! Je ne suis la victime de personne !!!
Ragea-t-elle en commençant à rouer de coup le pauvre homme au sol. Ce dernier tentait de se débattre comme il le pouvait mais Kate n’avait rien perdu de ses réflexes militaires et, un non-initié ne pouvait pas y faire grand-chose, bien malheureusement pour lui !
- Je suis un soldat, tu m’entends ? UN SOLDAT !!!
Elle saisit le col de, désormais, sa victime en venant saisir la barre de fer de cette dernière de sa main libre, prête à frapper… A cet instant précis ou un éclair fit apparaître une immense et sombre silhouette qui fit glisser Kate de peur sur le sol. Ses yeux entrouverts, ses paupières et ses membres tremblèrent. Crainte ? Mystère ? Inconnu ? Ainsi était-ce donc lui ? Le gardien des rues de Gotham, le veilleur nocturne qui semait la terreur parmi la criminalité de Gotham ? Ce chevalier noir plus connu sous le nom de Batman… ?
Sans dire un seul mot, le sauveur de Gotham tendit sa main gantée vers Kate. Hésitante, elle finit par lever sa main et la glissa dans celle de la chauve-souris. Ne voyant plus que ce costume et ce regard perçant dans l’obscurité, Kate ne prenait nullement garde à son agresseur qui prenait désormais la fuite. Quant à Batman, toujours dans un silence religieux, elle relâcha les doigts de la rouquine et s’envola à l’aide de son grappin. Sa silhouette disparu alors dans le ciel pour laisser la place au Bat-Signal trônant au milieu des nuages.
L’appel du service. L’appel du devoir. Les yeux de Kate scintillèrent alors qu’elle restait immobile sous la pluie. Six années à attendre, six années sans projet. Six années à pourrir et six années à dépérir. Six années avant que la vérité ne résonne sous son regard et que son âme trouve enfin la voie qu’elle désirait emprunter par-dessus tout. Servir Gotham City !
« PARTIE 2 : LES SENTIERS DE LA VOLONTE »- C’est tout ce dont tu es capable, soldat ? Même un homme en chaise roulante ferait mieux que ça !
Kate retomba une nouvelle fois au sol, accusant un solide coup de pied défensif dans l’abdomen. Les mains attachées dans le dos, un bandeau sur les yeux. Voilà plusieurs heures que son instructeur la malmenait dans le seul et unique but de développer les capacités de Kate dans le combat à l’aveugle. Plusieurs heures que notre principale intéressée ne cessait de se débattre dans tous les sens, faisant voler ses pieds à tout va et de manière bien trop brouillonne pour réellement inquiéter son aîné.
- Alors, c’est tout ? Tu abandonnes déjà ?!
La fatigue ne cessait de gagner le corps meurtri de la rouquine et, plus les minutes passaient, plus son corps semblait dépasser des limites qu’il ne contrôlait plus. Un cercle vicieux où sa volonté diminuait de plus en plus, supplanté par le souffle court de sa respiration. Dans sa tête, elle voulait se relever mais, ses muscles, eux, ne répondaient tout simplement plus.
Hurla son instructeur en venant lui donnant un solide coup de pied dans le ventre qu’elle accueillit sous un cri étouffé par sa mâchoire serrée.
- Non, je… Je peux… Je vais…
Ses pieds tentèrent de se planter solidement dans le sol. Ses jambes chancelantes essayèrent par-dessus tout de la hisser droit debout et, alors qu’elle parvint presque à donner l’illusion de pouvoir continuer, Kate retomba d’un coup en arrière sur le sol, poussant un soupir de colère, de frustration mais d’épuisement et de douleurs.
- Tu vas en rester là pour aujourd’hui surtout, bleusaille !
Se penchant vers elle, le quadragénaire vint lui trancher les liens à son poignet et la libéra de son bandeau. Les yeux de Kate étaient rougis par les larmes. Rougis par la rage et par la tristesse. Cette journée lui avait paru tellement mauvaise, elle s’était sentie tellement nulle, tellement incapable. De toutes ses années en tant que cadettes, aucune formation ne l’avait mise en telle difficulté que celle d’aujourd’hui. Elle avait tout bonnement honte et le manifesta clairement par ce regard fuyant envers son entraîneur, son mentor.
- Soldat ?
- Je suis pas une soldat… Je suis une bonne à rien, voilà ! Vous êtes content que je l’ai dit ?
Pesta-t-elle en rabattant ses genoux contre sa poitrine, enlaçant alors ses jambes de l’ensemble de ses bras. La tête baissée, ses iris caressèrent le sol avec déshonneur pendant que son interlocuteur prit place à côté d’elle en poussant un lancinant soupir.
- Ce n’est pas ce que j’attends de toi Kate. Ce que j’attends de toi, c’est que tu te concentres vraiment sur ton objectif et sur ce qui t’as toujours poussé à vouloir t’engager. Je veux que t’apprennes à tout donner, que tu maîtrises et canalises ta rage au lieu de faire n’importe quoi. Et je veux surtout que tu comprennes qu’il faut accepter l’échec pour pouvoir avancer et décrocher la victoire ! Après tout, c’est bien pour ça que tu es là, non ?
Kate hocha simplement des épaules, sans rien dire, demeurant tel l’animal buté qu’elle pouvait être au plus profond d’elle-même. Néanmoins, elle savait qu’il avait raison. C’était pour devenir une arme de destruction massive, un moyen de défense parfait et total et un outil on ne peut plus magistral pour combattre la criminalité efficacement ! Tout du moins, tel était-ce pour cela qu’elle avait quitté Gotham…
---Flashback---
Kate retrouvait la chaleur et la sécurité du domaine familial. La nuit venait encore de s’achever sous une pluie de coup, sous une pluie de violence, sous une douloureuse neutralisation. Aux yeux de la population, de simples trafiquants de plus prenant les rues de Gotham pour leur terrain de jeu. Mais, pour Kate, cela était avant tout un exemple parfaitement représentatif du mal qui gangrénait les rues de Gotham. Les rues de sa cité et, même si le constat n’en n’était que plus navrant, des rues à travers le monde tout entier. Mais Gotham demeurait sa ville, sa mère-patrie. A Gotham était-elle née, à Gotham combattrait-elle !
Délaissant son ancienne tenue d’intervention militaire, notre charmante et jolie rousse se rendit à la salle de bain où elle profita d’une longue douche rédemptrice. Les fumigènes employées lui piquaient aux yeux et la chaleur de l’eau lui permirent de passer outre la douleur des courbatures et d’autres coups reçus. De nouvelles ecchymoses se multiplieraient certainement d’ici un jour ou deux sur l’ensemble de son corps. Mais qu’importe ! Qu’importe l’état de son corps ou de la douleur ressentie. Au moins pouvait-elle aider son prochain, au point pouvait-elle servir sa nation. De telles interventions lui apportaient un semblant de détermination et de but à atteindre : celui de parvenir à remplir son devoir de soldat…
- Papa ! Tu m’as fait peur…
Sursauta-t-elle en venant retrouver le luxe et le confort de sa chambre. Non loin d’elle, son père trônait debout, de toute sa stature militaire, les bras croisés sur son torse. Son regard était sévère, perçant, glacial. Dans l’une de ses mains siégeait une grande de neutralisation qu’il n’hésita nullement à mettre bien en évidence une fois que sa fille pénétra dans la pièce.
- Le problème de la fumigène, c’est que rincer tes yeux ne calmera pas l’effet. Sans compter le fait que les vêtements s’imprègnent énormément de l’odeur de la fumée.
- Je… Ouais, je sais…
Se contenta-t-elle de répondre en haussant des épaules avec nonchalance.
- Mais ça n’est rien comparé à la peine que tu risques pour vol de matériel militaire et expérimental !
- Papa, ce n’est pas ce que tu crois…
- Vraiment ? Car, sache que même si tu fais cela pour une noble cause, cela n’en reste pas moins du vol !
Elle croisa ses bras à hauteur de sa poitrine et affronta le regard de son père comme en une forme de défi. De par ce geste, elle montrait clairement qu’elle connaissait les risques que ses différents larcins pouvaient lui causer mais qu’elle cautionnait cela parfaitement, qu’elle ne s’en cachait nullement ! Un comportement que connaissait particulièrement son colonel de père et qui ne retint aucunement un juron magistralement senti.
- Mais nom de dieu Kate, qu’est-ce qui te prends ?! HEIN ?! De tout ce que t’as pu faire en six ans, jouer à la justicière est certainement la pire de tes idées, surtout en procédant de la sorte !
Elle détourna le regard sur le côté, comme elle savait si bien le faire. A la différence près que, cette fois-ci, c’était d’avantage pour marquer son désintérêt au sermon reçu que pour afficher pleinement sa culpabilité.
- Qu’est-ce que tu cherches à faire ? A prouver ?
- Quoi ? Tu veux vraiment savoir ce que je cherche à faire ?!
Saisissant la balle au bond, elle décida de ne pas garder son calme, de ne pas garder son inertie traditionnelle. Bien au contraire, elle s’avança vers son père et saisit brusquement, voire presque violemment, la grenade que ce dernier dans ses mains.
- Je cherche la seule voie qui me reste depuis que je n’ai plus l’armée !
- Et tu n’as rien trouvé d’autres que de jouer les soldats freelance je présume ?!
- Rien trouver d’autre…
C’est un sourire narquois, mauvais, cynique qui s’étira alors finement sur ses lèvres. Elle se détourna de son paternel en secouant mollement sa tête de droite à gauche.
- Et qu’est-ce que j’ai d’autre, tu peux me le dire ?! J’ai toujours eu un seul objectif dans la vie, une seule chose pour laquelle j’étais faite : servir ! Servir dans l’armée ! Servir pour protéger ce monde ! Servir pour lutter contre tous ces terroristes qui prennent la vie d’innocents, comme celles de maman et de Beth ! Mais en quittant l’armée, je n’ai plus rien de tout cela, PLUS RIEN, tu comprends ?!
Cracha-t-elle, vidant un sac de trop plein, un sac de surplus et paradoxalement d’une véritable foi profonde dans la symbolique de ce qu’elle réalisait depuis plusieurs nuits désormais.
- Puis, je l’ai vu… Lui… Ce Batman… Et j’ai retrouvé l’appel du soldat ! L’appel du devoir ! L’appel de cet homme de l’ombre par l’ensemble de la population de Gotham. L’appel à l’aide pour retrouver un tant soit peu de paix et de justice ! Je suis un soldat, Colonel Kane et, si c’est de cette manière que je devrai servir mon pays alors, oui, je le servirai ! Que tu sois d’accord avec cela ou non !
Le colonel aurait bien voulu que les choses soient différentes. Il avait tellement souhaité que sa fille puisse choisir une autre voie après l’échec de l’armée. Il avait écouté et accepter les raisons de son renvoi, l’homosexualité de sa fille. Intérieurement, même s’il demeurait fier du parcours de Kate jusqu’alors, il n’en voulait pas moins une vie de stabilité et de véritable bonheur. Bien que, par moment, cela n’était qu’une lutte désespéré pour combattre le fantôme de sa défunte épouse et de la sœur jumelle de son unique fille restante. Tenter d’enfouir la culpabilité de quitter Gotham pour s’installer au siège de l’OTAN. N’être jamais parti pour n’avoir jamais à infliger un tel cauchemar à Katherine…
Mais, aujourd’hui, il voyait le feu dans les yeux de sa prunelle. Elle n’était plus l’adolescente haineuse, colérique et rageuse qu’elle était avant l’armée. Elle n’affichait plus le regard de la jeune demoiselle qui se laissait vivre dans un train de vie inavouable et inacceptable. Quelque chose avait changé. Une flamme était née, une flamme contre laquelle il ne pourrait jamais lutter. Une flamme qui brûlait d’une incandescence sans égale et sans travers.
Il revint vers sa fille, posant une main sur son épaule en soupirant. Il la fit tourner face à lui et usa de sa main libre pour reprendre cette grenade qu’il lança prudemment sur le lit de sa fille.
- Excuse-moi, je comprends mais… Si c’est vraiment ce que tu veux, alors il faut que tu sois bien préparer et que tu fasses ça dans les règles de l’art.
Il hocha doucement de la tête comme pour s’assurer de sa compréhension et, surtout, de son écoute. Un hochement de tête qu’elle lui rendit alors immédiatement, la regardant avec un fin sourire contrastant avec la fureur de ses iris.
- Je me chargerai du matériel mais, en attendant… J’ai quelques connaissances parmi les forces militaires à l’étranger. Je dirais même quelques connaissances de différents soldats d’élite qui me doivent encore des services. Si tu es vraiment déterminée et que tu as le cran, je les contacterai dès demain !
- Pourquoi pas dès cette nuit alors ?
---Fin Flashback---
Depuis ce soir-là, Kate était bien loin de Gotham, sa terre natale. Par l’influence de son père, elle avait réussi à commencer par suivre un stage chez les forces commandos d’intervention spéciale. Un entraînement très dur, très rigoureux mais qui n’en représentait pas moins les bases de ce qu’elle serait amenée à faire. Ce n’est d’ailleurs qu’après plusieurs mois de longs et de durs labeurs, sans compter la montagne de souffrance à braver, que Kate parti alors pour les contrées de l’Irlande. Un ancien commando des forces armées de ce pays la prit alors sous son aile et lui faisait vivre un véritable calvaire jour après jour. Avec lui, pas de mensonges, ni de faux semblant. Kate avait été claire dans ses intentions et cet homme, voire ce surhomme, était en mesure de lui apporter ce qu’elle attendait de lui : la maîtrise physique, la maîtrise du corps et la force de volonté, la force de conviction. Former pour lutter, former pour tuer mais, avant tout, former pour rendre la justice à sa manière ! A l’image de ce symbole, de la chauve-souris !
Pendant près de deux années, elle ne se levait que pour se battre, pour apprendre et mériter sa pitance. Chaque échec lui était réprimé par une absence totale de nourriture. Affamée la bête, la pousser à bout pour éveiller les forces les plus puissantes qui sommeillent en elle. De limites ? Il ne devait plus en demeurer ou, s’il en persistait quelques-unes, être capables de les transcender quelle que soit la situation présente. Kate n’était plus une ado, Kate ne serait plus une jeune femme libre et volatile. Désormais, Kate Kane venait de trouver une nouvelle naissance qui marquera le restant de ses jours à jamais. Ce n’était plus un soldat, c’était bien plus que cela…
- KATE ! Bon retour parmi nous soldat !
A peine passée le pas de la porte, sac sur le dos, Kate entendit la voix plus qu’enjouée de son père qui, apparemment, ne s’attendait pas à la revoir de sitôt. Sous un franc sourire qu’elle ne retint aucunement, elle offrit un salut on ne peut plus militaire à son colonel de paternel.
- Merci de votre accueil chef !
Un sourire tendre, complice et profondément affectueux. Bien évidemment, derrière cela, Kate avait dû composer avec les retrouvailles de son insupportable belle-mère. Une espèce d’arriviste très intéressée par le luxe et la renommée et dont elle soupçonnait moyennement amoureuse de son père. Mais, ce dernier avait ainsi fait son choix de refaire sa vie et Kate avait accepté de se taire et de ne pas faire preuve d’un jugement trop désobligeant. Les faux-semblants s’étaient opérés comme ils se devaient.
Quant à son père, elle eut à peine le temps d’arriver qu’ils s’isolèrent bien rapidement. Disons surtout que, c’est ledit père qui fit monter sa fille à l’étage et lui intima de ne pas tout lui raconter tout de suite à propos de sa formation.
- Bon, avant que tu me racontes le périple de cette longue absence, j’ai envie de te montrer une surprise. Une surprise que j’ai terminée de préparer la semaine dernière d’ailleurs !
- Papa, j’ai passé l’âge des surprises…
- De celle que je te réserve ? Je ne crois pas !
Sous un rire amusé, Kate se laissa entraîner vers une ancienne zone non-occupée et non aménagé du manoir familial. Son père ouvrit la porte leur faisant face à l’aide d’un petit interrupteur sur le côté et fit entrer sa fille en premier lieu. L’espace était noir, absent de toute lumière… Mais pas pour longtemps !
- Soldat, voici ta nouvelle base d’opération !
Toute la pièce s’illumina d’un coup. Aussitôt, Kate se retrouva face à un très large bureau informatique, si l’on peut dire. Ce dernier se voulait décorer de trois écrans d’ordinateurs et de deux tours d’alimentation. Sur la gauche, on pouvait constater la présence de plusieurs matériaux et autres équipements expérimentaux que son père avait réussi à avoir par certaines de ses connaissances. Et, plus loin encore, trônait une magnifique moto noire au design tout simplement unique. Une véritable caverne d’Ali-Baba pour notre Kate qui n’en croyait tout bonnement pas ses yeux.
- Woaw… Papa, c’est…
- Non, ne dit rien ! Enfin, pas tant que tu n’as pas vu ton nouveau costume chérie !
- Mon nouveau costume ?!
Se retourna-t-elle brusquement vers lui en fronçant les sourcils. Ce dernier hocha de la tête avant de glisser une main sur son épaule et de l’emmener à hauteur de ce qui devait être un mannequin, entièrement recouvert d’un drap.
Souriante et presque nerveuse en même temps, Kate s’avança et dévoila alors toutes les parcelles du costume que son père avait personnellement confectionné. Un masque, une cape et une combinaison entièrement noire. Souligné par des bottes à talons et des brassières d’un rouge tout aussi écarlate que l’intérieur de ladite immense cape.
Ne parvenant pas à dire autre chose sous l’émerveillement, Kate se rattacha à ce seul détail assez cocasse pour une fille qui, en finalité, ne fut jamais amener à porter ce genre de chaussures. Mais, fort heureusement que, désormais, elle était parée à tout !
- Et oui, tu devras t’y faire soldat ! Ceci dit, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose au niveau du torse, comme…
- Comme un insigne ?
Se regardant tous deux, Kate sourit de plus belle alors. Sans rien ajouter de plus, elle se retourna vers son nouveau bureau et se munit d’un morceau de feuilles et d’un stylo. Elle traça des contours assez brouillons avant de relâcher ledit stylo et de venir poser la feuille au centre de sa tenue. Une chauve-souris… Grande, prenant son envol et écarlate…
« PARTIE 3 : AMERE VERITE »- C’est étrange, je connais ce regard…
Batwoman essayait de tenir bon. A bout de bras, elle retenait la main d’Alice, la main de la Haute Dame, grande reine du culte du crime qu’elle combattait depuis deux ans aujourd’hui. Un groupuscule composé de dangereux criminels et de méta-humains qui n’avait eu de cesse de persécuter et de poursuivre Batwoman selon le bon vouloir d’une prophétie : « La fille de Caïn aux deux noms » Une prophétie soulevant bon nombre de questions et d’interrogations. Si notre justicière avait été choisie pour être l’un de ses deux noms, qui en était la seconde ? Quel était l’autre élément de cette soi-disant prophétie ? Et puis, pourquoi elle ?
Elle avait été malmenée… Elle avait été poignardée… Elle avait été empoisonnée… Elle avait été touchée littéralement en plein cœur sans prendre conscience de cette bienveillance divine qui lui donna un second souffle de vie. Sa mission n’était plus une mission de protection envers les habitants de Gotham mais, d’avantage, une sorte de vendetta privée contre ce culte. Immonde, ignoble, mortellement dangereux, elle devait l’éradiquer en tout point. Nul mal ne pouvait triompher en tout point, telle était sa mission et son devoir. Et, en une certaine manière, la mission se voulait passablement réussie. Car, à bord de cet avion en plein ciel, sur le rebord de cette aile où elle tentait de respecter la règle numéro un de son symbole, de Batman, Kate ne pouvait ressentir que les prémisses d’une victoire évidente.
Seulement, quel était le prix à payer pour cette victoire ? Et si je vous répondais rien d’autre que la pure et simple vérité. Une vérité bien trop cachée durant trop longtemps. Une vérité dérangeante que l’on avait préférée enterré avec le passé sans même se soucier de son hypothétique révélation ? Oui, par sa simple réplique aux abords de la mort, la Haute Dame venait de transcender l’âme de Kate…
La mâchoire serrée, le mascara coulant sur ses joues recouvertes d’un maquillage blanc, des larmes qui s’écoulent comme par réflexe, la Haute Dame continuait de fixer l’héroïne, droit dans les yeux. Le vent soufflait avec rage, Kate tenait difficilement le coup sur cette aile d’avion alors que son adversaire voyait son corps balloté dans tous les sens. Et, paradoxalement, c’est comme si le temps s’était arrêté, comme si le temps s’était suspendu. Combien de temps dura cet instant ? Une seconde ? Une minute ? Une heure ? Impossible à dire…
Kate était tétanisée. Au plus profond d’elle-même, c’est comme si elle savait déjà ce que s’apprêtait à dire son ennemi. Et, d’un autre côté, son esprit était fermé à cette éventualité qu’elle la combattait de toutes ses forces et de toute sa rage pour en refuser l’évidence même. Elle devait rêver… Oui, c’est ça, elle devait être en plein cauchemar.
- Tu as les yeux de notre mère.
Une simple phrase révélatrice. Plus de doute possible. La Haute Dame venait de trancher ce douloureux silence. En ces dernières secondes fatidiques, Kate avait tout compris même sans s’y résoudre. Elle avait su cerner la vérité, aussi dérangeante soit-elle, et juger justement la nature de ce qui les reliait. La ‘Fille de Caïn aux deux noms’… Ce simple titre de prophétie prenait dés lors tout son sens. La fille aux deux visages, la fille aux deux identités… Le principe même sur lequel reposait la notion de ‘jumeaux’, et en l’occurrence, de deux sœurs jumelles.
- B…Beth ?
- Dis adieu à papa de ma part…
Sans une autre parole, la Haute Dame relâcha la main de Kate et se laissa tomber dans le vide sidéral. Un puissant « NOOOON » fut hurlée par notre justicière qui, toute défense émotive à terre, laissa ses larmes naître et couleur à flot le long de ses joues. Sa plus grande ennemie avait été sa sœur. Celle pour qui elle avait eu tant d’acharnement, de haine et de rancune n’était autre que la seule et unique moitié que ce monde lui avait un jour donné… Pour mieux la reprendre ensuite ! Ce combat reposait sous une forme d’inutilité, or mis la lutte biblique fratricide de deux personnes issues du même sang dans des idéaux totalement opposés et antagonistes. Un besoin de guerre et de vengeance pour s’en conclure sur la mort d’un nom, d’une femme, d’une sœur, d’une jumelle…
Jamais victoire n’avait été plus amère que celle-ci. Pourtant, il demeurait un point obscur dans tout ce schéma destructeur. Regagnant l’intérieur de l’avion pour faire atterrir l’appareil, Kate sécha d’ores et déjà ses larmes en essayant de comprendre. Tout semblait s’enchainer à la perfection, bien sûr. La sœur déchue, inconnue, qui se retrouve dans l’autre camp, d’accord… Mais comment ? Comment une sœur morte pouvait-elle encore être vivante ?
---Flashback---
- Mais papa a promis qu’il serait là !
- Oui, il nous a dit que cette année, on fêterait notre anniversaire tous ensemble !
Boudeuses, les deux jumelles de dix ans n’appréciaient nullement que leur père ne puisse être présent, une fois de plus, à cause de son travail. Il faut dire qu’à leur âge, accepter d’emménager à Bruxelles, en Belgique, en quittant leur vie de Gotham pour le travail de leurs parents était déjà un immense sacrifice en soi. Elles quittaient tout ce qu’elles connaissaient, tous ceux qu’elles avaient appris à connaître et à apprécier pour se retrouver face à une vie repartant de zéro. La raison ? Une place au sein de l’OTAN pour les deux parents Kane. Mais, pour leurs jumelles, l’OTAN n’était qu’un mot sans importance au même titre que WC, cuisine ou voiture de sport : autrement dit, elles s’en contrefichaient !
Face à leur réaction, leur mère tentait de garder le sourire et, ce, même si elle pouvait comprendre l’étendue de leur déception. Au plus profond d’elle-même, elle espérait de tout cœur que son époux puisse se libérer suffisamment tôt pour profiter du reste de cette journée si particulière, si symbolique. Il fallait qu’elle trouve une parade pour leur faire oublier leur colère et leur chagrin. Elle devait y parvenir, tout comme elle réussissait toujours à leur chasser leurs mauvaises pensées. Voilà pourquoi s’approchait-elle de ces deux prunelles en posant une main bienveillante sur leurs deux épaules.
- Ecoutez les filles, votre père tiendra sa parole. La journée ne fait que commencer et puis, cela nous laisse le temps d’aller faire des courses pour la fête de ce soir et, si vous acceptez de faire disparaître ces deux mines boudeuses, je pense qu’on aura même le temps de s’arrêter à votre marchand de gaufres préféré !
Comme quoi, les parents peuvent parfois recourir aux arguments les plus bas pour obtenir quelque chose de leur progéniture. Toutes les deux, les bras croisés sur leur poitrine, Beth et Kate s’échangèrent un regard avec autant de mécontentement sur leur visage. A l’exception d’un petit clin d’œil furtif qu’elles s’échangèrent pour reposer, aussitôt, leurs yeux sur leur mère et de leur afficher un énorme et large sourire en guise d’approbation. Bon, d’accord, elles étaient faibles mais, comment résister à l’appel de gaufres aussi délicieuses et une promesse si alléchante de fêter dignement leur anniversaire le soir venu ?
S’apprêtant en moins de temps qu’il ne faut que pour le dire, les deux fillettes se retrouvèrent en quelques instants sur le pas de la porte, attendant leur mère avec une certaine impatience et une espièglerie à toute épreuve. Tellement ravies par ce petit programme, c’est avec enthousiasme que chacune d’entre elle se pendit à chaque bras de leur mère tout en se dirigeant vers le véhicule qui leur était affrété. Beth parlait déjà des cadeaux qu’elle espérait avoir le soir-même alors que Kate ne cessait de faire l’énumération de toutes les sortes de gaufres qu’elle voulait déjà essayer. Des propos ne cessant d’attirer l’amusement de la mère et de leur chauffeur. Oui, la journée était belle et d’une insouciance qui s’était presque faite trop absente depuis de nombreuses semaines.
Mais, alors que la voiture continuait tranquillement son chemin, c’est en arrivant à hauteur d’un carrefour qu’un crissement de pneus se fit puissamment entendre. Des regards se perdant à droite et à gauche pour en chercher l’origine. Une seconde d’inattention de trop… Et c’est avec violence que le véhicule des petites Kane fut percuté de plein fouet par un fourgon blindé. Sur la puissance du coup, le chauffeur fut touché et tué sur le coup. La mère était sonné par le choc de sa tête contre le tableau de bord alors que, sous le choc, Beth et Kate s’étaient lourdement cogné aux rebords du véhicule. Toutes les trois venaient d’être lourdement secouée et, sans même qu’elle n’ait le temps de reprendre réellement leurs esprits, des hommes cagoulés sortirent du fourgon et les prirent sans la moindre douceur. Violentées, malmenées, elles furent toutes les trois recouvertes d’une cagoule opaque sur la tête. C’était l’insolence effrayante de l’inconnu qui les emmenèrent alors loin, très loin, mais où ?
Kate avait froid. Elle n’avait aucune idée de la période depuis laquelle elle avait atterrie dans cette pièce. Une heure ? Une journée ? Une semaine ? Le temps lui semblait tout aussi long qu’interminable. Paralysée par la peur, elle n’osait pas parler, elle n’osait pas pleurer. Elle ne voulait faire aucun bruit qui pouvait alerter ces terroristes, ces kidnappeurs, d’une quelconque manière possible.
Elle ne pouvait voir mais elle entendait. Elle entendait tout ce qui l’entourait. Elle pouvait parfaitement discerner les sanglots de sa petite sœur et l’arme du garde venant la frapper pour qu’elle la boucle. Elle arrivait, avec précision, à entendre chaque instant où sa mère était trainée sur une chaise pour être questionnée et violentée sous son manque de coopération. Mais même si elle pouvait entendre tout cela, elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Son esprit de fillette de dix ans était incapable de se lancer dans de quelconques réflexions alors qu’elle n’avait jamais été terrorisée de la sorte dans toute sa courte vie. Oui, c’était comme cette étrange sensation de se savoir condamner au peloton d’exécution sans avoir connaissance de l’heure fatidique. Mais, dans tout ce marasme de crainte, Kate s’endormit. Kate ferma les yeux et se laissa emportée par la fatigue. Est-ce qu’elle finirait seulement par se réveiller ?
- Groupe d’intervention : FEU A VOLONTE !
C’est d’un bond que la petite rouquine sortie de sa torpeur. Cette voix ? Elle la reconnaîtrait entre mille ! Il était venu, il était venu pour elle, pour sa sœur, pour sa mère. Il était arrivé à temps pour les sauver, une fois de plus. Oui, un fin sourire se maria aux larmes de peur lorsqu’elle reconnut la voix de son père. Un mince sourire qui ne dura pas longtemps en entendant tous les cris et les innombrables coups de feu qui résonnèrent autour d’elle, dans cette pièce.
Et après la peur apparait l’apaisement… Cette fraction de secondes explosives fit rapidement place au visage de son père, venant la prendre dans ses bras tout en lui enlevant cette satanée cagoule. A peine croisa-t-elle son regard qu’elle serra ses bras autour de son cou et enfouit son visage dans le creux de son épaule.
- Maman… ? Beth… ? Elles vont bien ?
Sous cette question, le colonel ne sembla pas trouver de véritables réponses… Pas quand il avait un tel carnage sous les yeux. Ne trouvant les bons mots sur l’instant présent, il se contenta de garder sa petite contre lui et de caresser sa rousse chevelure d’une main protectrice et bienveillante.
- Ca va aller Kate, tout va bien se passer. Ne regarde pas… Ca va aller…
Il se retourna et emprunta le chemin de la sortie. Timidement, sans même bouger son visage, elle laissa ses yeux se relever pour remarquer la présence de plusieurs corps mutilés, perforés par la pluie de coups de feu qui s’était alors abattue.
- Je regarde pas… Ca va aller…
Lui répéta-t-elle alors que ses yeux se posèrent sur le corps de sa mère, étendu au sol, dans une mare de sang, le corps truffé de plombs. Non loin d’elle, le petit corps sans tête, caché par le corps d’un autre cadavre, de sa sœur… Elle-même semblait avoir connu ce même sort funeste. Cette scène s’imprima dans les yeux de Kate qu’elle n’arrivait aucunement à détourner, alors qu’elle répétait comme pour se convaincre :
---Fin Flashback---
Kate avait regagné son repaire. Assise sur la chaise face à son ordinateur, elle demeurait les coudes posés sur le rebord du bureau et sa tête entre ses mains. Elle n’avait pas enlevé son costume, sa cape, son masque ou même sa perruque. Elle demeura dans cette position comme une véritable statue de perdition.
Entrant dans la pièce, surpris et inquiet de voir une telle position de la part de sa fille, le colonel Kane s’avança avec prudence, redoutant presque ce qu’il avait pu se produire cette fois-ci. Il faut dire que, ces derniers jours et ces dernières semaines ne s’étaient aucunement voulu de bonne augure pour sa justicière de fille et que, là, il ne savait que penser, ni même imaginer… Sauf peut-être le pire ! Voilà pourquoi, avec cette bienveillance naturelle envers son enfant, il se rapprocha et posa une main sur l’épaule de son héritière.
- Chérie, tout va bien ?
- Tu le savais, hein ? Tu le savais depuis le début, pas vrai ?
Fronçant les sourcils, alors que Kate n’émettait pas un seul mouvement, le colonel tentait de comprendre ce qu’elle essayait de lui dire mais demeurait dans une visible confusion.
- Kate, je… Qu’est-ce que tu essaies de me dire ?
- Tu as les yeux de notre mère…
Rétorqua-t-elle, absente, repensant encore à cette ultime confrontation, à cet instant fatidique de révélation et cette dernière seconde avant que Beth ne lâche prise et ne sombre dans les airs, pour une chute mortellement infernale.
- Je te demande pardon ?
- Tu m’avais dit qu’elle était morte ce jour-là, tu t’en souviens, hein ? Bien sûr que tu t’en souviens, je me trompe ?
Haussa-t-elle brusquement le ton, dégageant la main de son père d’un sec mouvement d’épaules alors qu’elle tourna vers lui un regard triste, un regard colérique, un regard perdu.
- Je…
- Tu ? Tu quoi ? C’était trop dur pour toi de me dire la vérité ? C’était trop difficile de me dire que ma sœur était en vie et que je pourrais la retrouver ?! C’ÉTAIT PLUS FACILE QUE JE LA TUE MOI-MEME, C’EST CA ?!!!
Acculé, pris de court, le colonel se retrouva alors brusquement saisi par le col de sa chemise avant de se retrouver violemment plaqué contre le mur derrière lui. Les yeux fermés, il n’osait affronter le regard incendiaire de sa fille en prenant conscience de ce qu’elle venait de découvrir. Tout le monde a ses secrets et certains feraient mieux de ne jamais refaire surface. Et, oui, secrètement, le colonel aspirait de tout cœur à ce que ce secret reposait à jamais avec les morts, tout comme sa défunte épouse et, désormais, sa défunte Beth.
- Tu voulais que je te dise quoi, Kate ? Ta mère est morte et on a pas réussi à retrouver la trace de ta sœur ? Que je te fasse vivre dans l’espoir de la retrouver alors que ça n’aurait jamais été le cas ?
Réagit-il, la mâchoire serrée et la gorge nouée. Mais sa fille n’en démordait pas et gardait toujours cette solide emprise solide sur lui. Elle le tira vers elle, ramenant dangereusement son visage à hauteur du sien. Au moins pourrait-il sentir le parfum de sa colère.
- Au moins, j’aurais gardé cette notion même d’espoir au plus profond de moi… Mais, désormais, Beth, et ton autre fille chérie que tu adores tellement, Kate, sont toutes les deux mortes ce soir ! Et je te dis chapeau colonel car, si j’ai tué la première ce soir, tu viens parfaitement d’achever le cœur de la seconde…
Le relâcha-t-elle. Elle tourna les talons et se rendit jusqu’à sa moto qu’elle enfourcha directement. Son père était pataud, détruit, totalement largué mais, elle n’en n’avait que faire… Elle n’en n’avait que faire face à ses propres ressentiments meurtris qui demeuraient mille fois plus puissants que ceux de son colonel de père.
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