Faithless is he that says farewell when the road darkens.

Red Hood & Starfire

Koriand'r & Jason Todd, se retrouvent en avril 2013, alors que l'horloge affiche l'heure du crime en cette nuit pluvieuse pour tomber l'un sur l'autre par hasard. Les personnages se retrouvent sur les toits de Little Moscow et ils autorisent les trois PNJs à intervenir dans ce rp. Les images utilisées ci-dessus proviennent de tumblr. Bonne lecture ♥

Sa tête était vide, comme une chanson sans paroles, comme une tristesse sans larmes. Jason détestait ce genre de soirée, à chaque fois il croyait y perdre jusqu'à son nom à défaut d'un cœur. Il pensait peu, chaque geste sous le ciel sombre de Gotham était un instinct : celui de Batman, celui de la Ligue des Assassins...
Prédateur parmi les hommes, ombre parmi les sentiments, Red Hood contemplait un royaume de débris, d'os et de vices que rien ne venait purifier. Le jeune homme songea aux quelques pays qu'il avait traversé, d'autres ciels, d'autres soleils...pourquoi vraiment être revenu à Gotham ?
Pour Batman et le deuil... Pas que ça fasse quelque chose au défunt, Jason était bien placé pour avoir qu'une fois mort toute conscience disparaît. Ne reste que le néant.
Ce n'était pas pour Bruce, c'était pour lui-même, comme si avec cette figure paternelle, il pouvait enterrer la haine le rongeant.
Que manque-t-il pour qu'une étoile brille enfin ? Ben voyons, juste un peu d'amour... Un cri résonna alors depuis le dédale des rues en contrebas. L'homme jeta son humanité au vent, laissant ses semelles battre les toits pour chevaucher l'obscurité. L'air de la nuit lui brûlait les poumons : vivant, Jason Todd était vivant lorsque Batman....
Ironique, pas vrai ?

Le malfrat ne vit pas la calamité tomber du ciel, à vrai dire il eut à peine le temps de se sentir mourir. Un coup violent, trop violent, à la tempe eut raison de lui....
Jason se tourna vers la jeune femme à terre. Il posa une main douce sur son épaule, tâchant de lui faire reprendre conscience pour l'escorter jusqu'à un hôpital proche et remarqua alors le trou ensanglanté à son abdomen. Celle ci ne se réveillerait pas …
Le jeune homme soupira, murmurant des mots d'excuse tout en lui fermant les yeux. Aucune sirène de police, la nuit restait calme et impénétrable. Il lui tint la main, veillant simplement cette inconnue qu'il avait mis trop de temps à sauver, se demandant si elle était mariée, si elle avait des enfants, si quelqu'un l'aimait, tout simplement...
A l'aube, on retrouverait son cadavre comme celui de tant d'autres personnes. Merci Gotham. Les Justiciers ne servaient à rien, quoi qu'en disent leurs idéaux.
Tiens d'ailleurs, ça faisait un moment qu'il n'avait pas croisé Red Robin, le môme l'évitait ? Pas qu'il lui manque mais c'était aussi un peu son job de patrouiller. Grand-frère Nightwing l'avait fait garder la chambre ? Il ricana, grimpant sur les toits à nouveau. Imaginer Dick en frère responsable et protecteur était une chose qu'il peinait à faire. Jason se souvenait de grosses disputes entre eux, mais aussi d'une espèce d'affection mielleuse teintée de malaise qui le déboussolait assez gravement, enfant. Comme s'il était lui, Jason Todd, responsable de quelque chose de mauvais sans qu'il ne sache quoi exactement et que Dick tentait d'être gentil par pure pitié....
De la gentillesse sans l'aimer. Ce genre de concept, Jason ne l'avait jamais compris, soit on aime soit on déteste, mais faire semblant ? La vie était déjà bien assez compliquée comme ça. Bruce avait souvent du le sermonner à ce sujet, il n'en avait jamais prit compte. Jason ne voulait juste pas être un hypocrite...

Son esprit s'égarait, il ne le contrôlait plus. Cela arrivait trop souvent, parce qu'il était juste incapable de trouver une place dans la ville, dans le monde. Dur de porter le nom d'un mort, dur d'avoir conscience de toutes les années disparues, gâchées... On pouvait pas vraiment compter sur Talia niveau soutien psychologique, autant dire que Jason avait le cœur à nu, vulnérable pour chaque mauvais coup.
Le Joker, bien que vivant, ne faisait cependant pas parler de lui. Un soulagement, Red Hood n'était pas prêt à l'affronter, pas maintenant. D'abord sa « famille », ensuite ses ennemis...
Quelque chose n'allait pas cependant, un subtil changement dans l'air. Jason n'était plus seul, quant à savoir si la présence était ennemie ou menace... Le jeune homme tourna lentement la tête puis ferma les yeux devant Sa lumière.
Que faisait-elle ici, toute de splendeur et de secret ?
Pourquoi ?
Un poids douloureux lui martelait les côtes, il étouffait de ces mots qu'on ne devait prononcer. Alors, parce qu'il était Jason Todd, parce que l'enfant sauvage en lui ne disparaîtrait jamais complètement, le jeune homme recula. Le froid dans son dos se fit plus présent, son corps réagissait instinctivement au vide à peine à quelques millimètres de lui.
Starfire illuminait la nuit de son propre incendie, il se rappela la beauté de son sourire lorsque Dick étai encore à ses côtés, et fit taire le petit garçon en lui qui avait envie de pleurer pour elle.
Parce que les enfants de Gotham ne savaient faire rien d'autre que rejeter...

« Princesse... »

Sa voix était un croassement rauque. Il ne voulait pas d'elle ici, pas avec Nightwing trop proche, trop loin aussi... Koriand'r pouvait se souvenir, elle pouvait l'oublier lui également maintenant qu'il ne représenterait même plus l'ombre d'un souvenir disparu.
Il eut envie de se jeter dans ses bras, un geste maladroit qu'il avait parfois dans l'intimité d'une chambre à coucher, avide d'amour et de tendresse, des envies qu'il n'avait lus le droit de se permettre. Alors, écorché de silence derrière le casque trop rouge, Red Hood resta les épaules droites, à regarder le corps parfait de la femme devant lui. Il ne réalisait même pas que lui, Jason, pouvait être la cause de sa présence ici. Son parfum était celui de feuilles mortes et de lèvres ensanglantées, et Kory brillait brillait... bien plus que le feu de ses propres passions.
Ses passions, elle, la violence mais elle encore, elle toujours, et l'ombre de Talia aussi lorsque le parfum de Kory l'enveloppait pourtant, sable et tourments...

« Tu n'as rien à y gagner en restant ici, Princesse... Tu mérites d'autres lieux. »

Oh pitié, ton ancien amant est ici, protège-toi ! Protège-toi de lui, de moi, de tout ce que tu es devenue et qu'il ne te pardonnera pas....
Ses lèvres bougèrent, invisibles sous le casque, pour murmurer un «ma vie... » immobile. Phrase sans sens d'un enfant malade, ne sachant plus à quelle allégeance se vouer, abandonné par Talia, abandonné par les siens...
Souvenir d'une main sur son front, Kory qui ne pouvait comprendre ses douleurs mais l'aidait quand même. Passé, présent, avenir....
Oh ma vie, oh mon cœur...

« Va-t-en »

Sa voix, comme une lame pour déchirer, attaquer dans le dos. Qu'elle saigne, qu'elle s'en aille et soit ainsi protégée...

Ah, Gotham… ville aux milles et un charmes méconnus et pourtant si particuliers, si spécifiques à la ville. Qui ne rêverait pas d’une bonne petite séance de spéléologie au fin fond des égouts crasseux ? Qui ne serait pas en-chan-té à l’idée d’une petite excursion touristique nocturne dans ce dédale de petites ruelles sombres et tortueuses ? Non, vraiment, vous n’en rêveriez pas, vous ?

Elle, elle n’était pas plus tôt arrivée ici qu’elle brûlait déjà de repartir.

L’ombre de Gotham pesait lourd sur ses épaules et la seule différence entre le jour et la nuit, ici, était que l’un se teintait d’un gris plus clair que l’autre. Le glauque et la pourriture suintaient de chaque mur, le vent chaud amenait des quartiers les plus malfamés les relents d’une haleine fétide qui vous violait l’odorat. Il lui semblait que même les rayons du soleil fuyaient la cité, ou bien qu’ils la méprisaient. Comme si ce n’était simplement pas possible qu’il fasse beau ici.

Starfire préférait Gotham la nuit. L’obscurité avait beau être cent fois plus terrible, elle n’en restait pas moins un voile qui s’efforçait de masquer les détails que le jour laissait à la vue de tous. Elle n’avait pas cette peur du noir et du monstre qui se cache sous le lit et les heures sombres ne lui semblaient pas plus menaçantes que les autres.
Pour autant, ce n’était pas par plaisir ou par sens du devoir que la justicière survolait les quartiers alors que les dernières traces d’une journée aussi grise que les précédentes s’étaient évanouies à l’horizon depuis longtemps : elle cherchait quelqu’un. Elle cherchait le motif de sa venue ici.
Et il semblait bien qu’elle venait enfin de le trouver.
Un peu par hasard, il fallait bien l’avouer : le même cri était tombé dans ses oreilles, appel à l’aide de quelqu’un qui n’y croit déjà plus. Bien sûr, elle avait filé aussi vite que possible, mais tout comme lui, elle était arrivée trop tard et même plus encore : elle n’avait eu que le temps de le voir agir et déjà, tout était fini.
Attendant un peu de voir ce qu’il allait faire ensuite, elle resta à l’écart tout en l’observant se mouvoir avec cette aisance qui lui était propre puis, n’y tenant plus, s’en alla le rejoindre, se fondant dans un silence qu’elle ne chercha pas à briser. Il fut prompt à se retourner vers elle, mais elle n’en attendait pas moins et lui décerna un joli sourire sincère, parce qu’elle était heureuse de le voir. Malgré cette ambiance, malgré les évènements récents, elle trouvait tout de même le moyen de s’extirper cette émotion-là du cœur. La déprime ne lui seyait pas, de toute façon…

« Je décide seule de ce que je mérite, tu ne crois pas ? »

Le sourire flottait toujours sur ses lèvres mais sa voix ne l’était pas, souriante. Bien sûr, elle ne s’était pas attendu à un débordement de joie de la part du jeune homme, on parlait de Jason après tout, mais qu’il cherche à la chasser d’ici dès la première minute, cela elle ne le comprenait pas. Forcément, il avait des raisons pour ça qu’elle-même ne pouvait savoir, ne devait surtout pas savoir, mais cette ignorance des faits la poussa à interpréter ses propos de la seule manière qu’il lui restait : il la jugeait trop faible pour ne pas se faire prendre dans les longues griffes de Gotham, ou bien il ne voulait pas d’elle. Peut-être les deux ? Son orgueil s’en offusqua, Kory était une battante et la ville, si elle la dégoûtait, ne lui faisait pas peur. Elle saurait se débrouiller sans l’aide de personne !

« Ne me dicte pas ce que je dois faire, je ne partirais d’ici que lorsque j’en aurai l'envie. »

Néanmoins, elle ne voulait pas d’une dispute, surtout pas alors qu’elle venait enfin de le retrouver. Elle s’approcha de lui et porta ses mains de part et d’autre de ce visage qu’un masque lui interdisait de contempler.

« Je suis venue pour toi, Jason. J’ai appris… »

Nul besoin de préciser quoi.

« Tu en as déjà envie, juste que tu ne le sais pas encore  »

La respiration de Kory, semblable à une mélodie mélancolique. Il l'entendait à peine mais la connaissait, pour l'avoir écouté certains soirs après l'étreinte lorsque lui-même ne savait s'il allait dormir ou s'évanouir. Elle lui évoquait un bruit de pomme et de printemps, quelque chose qu'il ne savait expliquer et peut-être était-ce simplement ses sens engourdis depuis le puits ?
Lorsque Kory parlait, tout paraissait tellement simple....Elle lui accordait un existence propre ainsi qu'une place dans la temporalité es événements Pourquoi Gotham ? Parce qu'elle savait que s'y trouvait un fils prodigue, orphelin de père et que ce triste cœur avait besoin d'autrui.

« Tu es belle, tu es puissante, c'est vrai... Et peut-être ais-je bien plus peur pour moi que pour toi ici »

Une peur égoïste, car il savait ce qui pouvait arriver n'est-ce pas ? Pourquoi Dick n'était plus avec Koriand'r, Jason n'en avait pas la moindre idée. Avec ses yeux d'enfants, et bien loin de la vérité, il les avait toujours vu comme un couple indestructible, une preuve que l'amour prévalait sur toute autre force.
L'amour ça ne gagne jamais, alors des couples se séparent et se brisent, et puis vient l'oubli. Ce qu'il ne voulait pas, c'était les souvenirs, que Koriand'r sache à nouveau toute l'ampleur de la passion qu'elle avait eu un jour, car que vaudrait alors l'intérêt amical que Jason pensait qu'elle éprouvait pour lui ? Il y perdrait une attache affective, et le chien dans sa poitrine hurlait de laisser faire, que ce n'était pas grave, pire, que c'était bien.
Ils avaient pas besoin d'affection, lui, Jason, ou bien ce grand chien noir tout en rage et en colère qui aidait à faire battre son cœur.

Les mains de Kory, chaudes, brûlantes -et y poser ses doigts était comme étreindre un soleil, lorsque leurs peaux étaient nues à tous deux- sur le métal glacial du casque. Il cru sentir la chaleur pulser jusqu'à son visage, comme une caresse ou bien un baiser.
Trop de sentiments dans le geste, peut-être en avait-elle eu de semblables pour Grayson, il ne voulait pas savoir. La tristesse creusa ses épaules un peu, alors qu'aboyait le chien. Faiblesse...
Se rappelait-elle, chère princesse, l'émoi adolescent qu'il avait eu dans ses yeux parfois, à peine assez âgé pour être amoureux alors. D'une certaine manière chez les Titans, sa préférée avait été Donna, peut être à cause d'un baiser sur sa joue pour le féliciter et le rassurer, lui le petit garçon qui faisait aussi bien que les grands, mais Kory avait également su comment occuper ses hormones.

L'univers féminin de Jason avait été construit sur l'idée de la mort, avec cette mère adoptive agonisante dont la maladie et les drogues sensées l'apaiser, ravageaient les traits. Lorsque Bruce l'avait pris sous son aile pour lui offrir bien plus que ce qu'un garçon des rues avait droit, c'était également pour lui montrer la beauté sans la mort. Selina, fleur de nuit comme d'autres femmes de Gotham, « des lady » disait Batman, et Jason le croyait. Et puis Donna, Kory, et des femmes bien plus intimidantes encore comme Diana, comme tant d'autres, resplendissantes de vie et de pouvoir. Dangereuses, oui, mais pas meurtrières. Parce qu'elles étaient la Justice aussi, qu'elles étaient capables d'amour et chacune de ces femmes, Jason en était tombé amoureux, les joues rougissantes et les yeux brillants comme seuls savent le faire les enfants.
Sauf que la mort n'était jamais loin, et qu'elle préférait s'offrir à lui plutôt que la simple beauté des choses et du monde. Sa mère, la vraie, meurtrière et Talia également, sa sauveuse, sa première....
Kory avait ses propres règles aussi à présent, mais Kory était d'un autre monde. Le sang sur ses mains devenait parure magnifique, elle n'était pas comme Talia, elle avait encore un but. Peut-être en cet instant précis aurait-il voulu lui dire « je t'aime », comme le petit garçon de douze ans qui un jour avait respiré sous ce ciel, mais à quoi bon ? L'enfant était mort et lui avait peur des sentiments.

Il y avait son sourire, écrin d'ivoire et de douleur. Ce sourire qui donnait envie de la protéger, elle aussi puissante qu'une galaxie pourtant, et ses mains gantées, mains d'homme et de brutalité, trouvèrent le chemin des hanches parfaites de la jeune femme.
Son nom, oh comme elle le prononçait, souvenir passé et futur, comment combattre et résister ? Alors Red Hood baissa la tête, vieux loup fatigué, et accepta de se faire chien bâtard et que cette femme soit ses chaînes, son collier.

« Ouais, le vieux est mort.... Je me croyais en colère mais j'sais plus, je sais plus du tout.  »

Comment ne pas baisser les bras, seul face à soi-même ?

«  Je.... »

Je ne sais pas ce que je dois faire!

Mais la phrase mourut à ses lèvres sans même être prononcée. Il y avait une violence en lui, trop grande, trop puissante. Comme des larmes qui ne coulent pas. Batman était mort, sans doute aussi mort que lui-même l'avait un jour été. Il ne savait pas si Tim avait raison d'espérer malgré tout, de refuser l'évidence, c'était qu'un gosse et d'un certain côté, Jason se sentait trahi de simplement lui parler. Remplaçant...
Jamais il pourrait demander des comptes à Bruce là dessus, jamais il pourrait se laisser pour chercher dans son regard un peu d'amour paternel qu'il espérait. Fini tout ça, fini, et l'amour était pour Tm, Dick et Barbara. Lui, il était sans attaches, ivre comme un cheval fou à ne plu savoir quoi se raccrocher. Et Kory le savait....

« Tout le monde le pleure...Ca fait de lui un mauvais Batman, tu cris, mourir comme ça dans l'exercice de ses fonctions ? Puisque c'est à ça qu'on reconnaît les bons des mauvais Robins, ça doit être pareil pour Batman »

Un rire. Tristesse, fatigue.... Il la serra un peu plus dans ses bras, une étreinte d'adulte, pas l'abandon auquel l'enfant aspirait et n'aurait jamais.
Et autour d'eux, si calme était la nuit...

Juste que tu ne le sais pas encore…

Elle eut un rire, léger, presque frivole, déplacé dans cette atmosphère qui se chargea d’ailleurs bien vite de l’engloutir pour le faire totalement disparaître. Déjà oublié, cet éclat soudain, et peut-être n’avait-ce même été qu’un mirage après tout. Elle l'écouta parler sans l’interrompre, oreille attentive à recueillir chacun de ses mots et tous les sens qu’ils étaient susceptibles de contenir. Les mains de Jason étaient posées sur ses hanches, et Kory s’offrit de bonne grâce à l’étreinte qu’il lui demandait, passant une main dans son dos, enlaçant ses épaules. Le silence, une éternité de silence autour d’eux et ils ne bougeaient pas, comme figés à jamais dans un enlacement étroit.
Quelques secondes seulement, en réalité.

« Il n’y a pas eu de mauvais Robin, ne laisse personne t’affirmer le contraire et cesse de te blesser en énonçant ce fait. »

Il disait Robin pour ne pas dire "Je", cela, elle l’entendait très bien mais comment, comment pouvait-on accepter de se rabaisser de la sorte ? Baisser les bras, ne pas se battre contre cette image qui vous rongerait un cœur si seulement on lui en laissait le temps ? Oh, il y avait encore tellement de choses qu’elle ne parvenait pas à comprendre !

Kory s’était finalement un peu écartée de lui, pas grand-chose, juste de quoi rompre cette étreinte. Son visage qui, un instant auparavant, s’était brièvement niché contre lui, se dressait à nouveau en face à face, toujours fier mais non dénué d’une certaine tendresse. Ses yeux d’émeraude se fixaient au-delà du masque rouge, comme s’ils étaient capables de trouver le regard de Jason ; sa main avait glissé des omoplates pour venir se poser sur l’épaule de l’homme en un geste presque solennel.
Elle savait, elle, qu’il n’y avait nulle honte à mourir ainsi. Un guerrier préférait cent fois plus mourir dans le feu de l’action plutôt que dans une vieillesse avilissante. Bien sûr, il y avait la tristesse pour ceux qui restaient et devaient affronter ce départ inattendu, toujours survenu trop tôt et injustement… mais de la honte ? Ça jamais. Partir ainsi ne ternissait pas une réputation, ne nuisait pas aux actes effectués de son vivant. Cela ne rendait pas un personnage plus mauvais qu’il ne l’avait été. Seuls des faits réalisés consciemment pouvaient le faire. Etait-ce arrivé ?

« Est-ce que tu penses réellement ce que tu viens de dire ? Et l’absurdité de tes propos, tu la réalise un peu ? » Il y avait cette incertitude aussi, ce tu crois ? qui lui demandait son avis, comme s’il lui appartenait, à elle, de décider si oui ou non cela avait été le cas. Oh, Kory avait sa propre opinion sur les faits et gestes du Batman, forcément, et était loin d’approuver nombre de ses actes, mais elle n’avait pas de réponse à donner à cette interrogation-là. Elle qui était pourtant si prompte à juger les autres…

La question avait été posée d’une voix douce, sincère. Jason était un personnage complexe qu’elle ne se targuait pas de comprendre, ses réactions étaient souvent imprévisibles et ses émotions, curieusement emmêlées. Parfois, elle pensait le connaître et se rendait compte de son erreur : il se comportait souvent de manières qui n’avaient de cesse de la surprendre, mais elle était suffisamment exercée pour n’en rien laisser paraître la plupart du temps.

« Il est normal de pleurer un être disparu. » Elle retint le mot "proche", ne sachant pas quel effet il produirait sur son vis-à-vis. « Même pour toi, Jason. La colère, elle, n’a pas sa place ici. Pas contre lui. »

Et sous les parfums de sa peau se cachaient tant de rêves abandonnés. Il était là, dans ses bras, jugé par chaque mot d'une princesse étrangère, s'offrant à elle comme au bourreau, heureux d'être condamné. Mais que pouvait-il lui dire ? Il avait de l'affection pour elle, de l'amour aussi si Jason était seulement capable de prononcer ce mot.

« Toi plus que tout autre devrait pourtant le savoir, Koriand'r ». Lorsqu'il la nommait ainsi, c'était avec sa voix d'adulte, celle grave et trise du loup esseulé, loin de l'ombre du chiot qu'il avait été. Parce que tous deux pouvaient encore se souvenir malgré tout du jeune garçon aux boucles brunes, regardant effrontément le décolleté de la princesse et l'appelant toujours sourire aux lèvres pour avoir encore un peu de son affection. Kory... « La vie sur Terre, parmi nous, est une chose absurde au milieu de gens sans intelligence. On laisse s'y faire trop de tragédies » Une princesse abandonnée par un manant, et c'était pitié de voir cette absence oubliée rester malgré tout un poids pour la jeune femme. « Si ma sensation d'être mauvais, d'avoir échoué, était si peu logique, insensée.... pourquoi pour l'amour de toutes les choses sur Terre, es-tu alors la seule à me le dire ? Tu te rappelles des autres, n'est-ce pas ? Oh Kory... Tu m'as raconté les statues commémoratives dans la Tour des Titans, pour honorer les morts. Il y en a beaucoup, mais pas la mienne. Je suppose que c'est dur d'honorer une erreur... »

Il lui laissait voir ainsi on mal être avec une précision toute chirurgicale. Elle pour qui il pouvait donner tout l'amour qu'il cachait...
L'étreinte de la jeune femme était un garde-fou cependant, et dans ses bras le monde perdait toute importance. Jason y trouvait l'affection qu'il n'osait réclamer, et peut-être la traitait il plus mal qu'il ne le devrait, mais elle était là.

« ...Merci »

Parce qu'elle était là pour lui, qu'il oubliait Dick un peu, qu'il oubliait le monde. Et lorsque Kory lui parla de larmes et de chagrins, il écouta, avec dans la tête l'écho des mots d'une autre femme l'ayant encouragée elle aussi à pleurer il y a des années de cela. Il y avait un feu en chacune d'elles, Kory, Talia, et lorsqu'il venait à leurs pieds, c'était en agneau sacrificiel sur qui pouvait naître le brasier...

« Je ne veux pas le pleurer, ni lui, ni les autres. Ma colère, je la garde, elle est à moi !» Un ton d'enfant boudeur, une tristesse d'homme déchu. Il portait en son cœur guerres et batailles, rien d'autre. L'idée d'embrasser Koriand'r le traversa alors, mais à quoi bon ? Elle était là devant lui, belle et flamboyante, royale à l'image de toutes ces femmes qu'il avait connu. « Trop de choses, effacer la colère ce serait pardonner, et pardonner c'est mourir. Tu ne me feras pas changer d'avis... »

Un jeu dangereux, car il serait tellement simple alors de se détourner de Jason Todd et son chemin d'infortune. Il dansait au bord de la solitude, à présent, prêt à chuter dans le gouffre Le gouffre qui l'entrainait alors même que ses lèvres se posaient sur celles de la princesse. Et il n'était qu'un enfant, là dans ses bras, bouillonnant de colère et d'abandon. Trop loin pour les hommes, trop loin pour tout, Jason était engagé sur une route d'où nul ne revenait jamais et il le savait, bon dieu oui il le savait.

Dans sa tête, des requiems, il ne savait cependant si cela était pour Bruce ou pour lui-même. Finalement, le jeune homme s'écarta, les yeux sombres.

«C'est sans importance, ce n'était pas mon père... »