Le tic tac de sa montre, une rolex imposante qu’il s’était offert pour son anniversaire, était le seul bruit de la pièce. Sionis sourit intérieurement en étudiant les visages décomposés de ses hommes de main, venus lui annoncer leur énième défaite contre Red Hood. Ils étaient terrifiés et même les plus impassibles ne pouvaient retenir un tic nerveux lorsqu’il posait ses yeux sur eux. Il appréciait cette sensation enivrante, le pouvoir que conférait la peur. Cela lui faisait mal de l’avouer, mais il avait bien un point commun avec l’Epouvantail. Un seul.


Il n’avait pas écouté un traître mot de leur rapport. Lorsque le chef de la mission avait pris la parole, un seul regard avait suffi à le faire taire. Depuis, cinq longues minutes s’étaient écoulées, rythmées par le tic tac de sa montre, pareil au bruit d’une bombe. Il aimait ménager son effet, laisser la peur envahir peu à peu les corps et les âmes des abrutis qui se tenaient devant lui. A quoi pensaient-ils en cet instant ? Probablement à des choses sans intérêt :bobonne, leurs gosses, leurs clebs. Est-ce qu’ils allaient les revoir ? Est-ce qu’ils mourraient maintenant, avec des regrets, ou le Black mask les pardonnerait-ils en dépit de leur odieuse incompétence ?

Tous les hommes se ressemblent.


Il écrasa sa cigarette dans l’imposant cendrier qui reposait sur son bureau avec plus de force que nécessaire. C’était un bel objet en ivoire qu’un braconnier lui avait offert après la signature d’un juteux contrat. Il affectionnait tout particulièrement cet objet. Il songea à l’éléphant qui avait dû être tué pour son seul bien-être et étouffa un ricanement. Qui à Gotham avait autant de pouvoir que lui ? Personne.
Mais qui à Gotham était entouré d’autant d’incapables. Probablement personne. Même pas Double-Face, et c’était dire.

Il sentit la colère l’envahir, montant aussi rapidement que la marée. Se focaliser sur les objets de luxe qui l’entouraient ne suffisait plus à apaiser sa haine, qui se réveilla lorsque l’un des imbéciles devant lui osa toussoter, probablement pour évacuer un peu de stress, interrompant le tic tac régulier de la montre.

« Je ne comprends pas pourquoi je paie si cher pour des échecs aussi cuisants. Tu as une opinion sur la question, le tousseur ? » demanda-t-il d’une voix doucereuse.
Le pauvre garçon, qui ne devait pas avoir plus d’une vingtaine d’années, pâlit lorsque Blackmask posa ses yeux sur lui. Il savait, comme tous les hommes de Sionis, qu’il ne devait en aucun cas détourner le regard. Ce geste avait coûté la vie à plus de monde que l’on ne pourrait le penser.

« Il est…trop rapide. Red Hood. On est.. pas entraîné pour ce genre de choses…les choses..

- Rapides ? » termina Sionis, une note moqueuse et dangereuse dans sa voix.

Le gamin ne fit pas l’offense de lui répondre, se maudissant probablement pour sa réponse.  Mr Li, derrière lui, prenait des notes avec la diligence d’un greffier.

Blackmask se leva soudainement, pris le cendrier, et le lança à la face du jeune garçon qui ne fit aucun mouvement pour l’éviter et s’écoula au sol. L’objet était solide, il en avait vu d’autres.

« Vous êtes tous virés, autant que vous êtes. Je serai vous, je bougerais mon cul hors de cette ville. Si c’est trop difficile pour vous d’attraper un crétin qui sort du cirque du soleil, alors changez de boulot ! »

Il écrasa d’un coup de poing le visage d’un des hommes dont l’expression vide l’avait énervé.

« FOUTEZ LE CAMP ! »


Ils ne se firent pas prier, ne prenant même pas le temps d’aider le jeune garçon qui s’était écroulé quelques secondes plus tôt. Il se releva tout seul, le visage en sang, se précipitant vers la sortie.

« Veuillez fermer la porte derrière vous, Monsieur. Pour les courants d’air. » » l’informa Mr Li posément, comme si rien d’anormal n’était arrivé, ce qui, dans son esprit, était probablement le cas.

Le garçon resta muet de stupeur un instant, le sang dégoulinant sur son visage puis ferma la porte derrière lui, sans la claquer.

Sionis se jeta dans son fauteuil avec lourdeur. Mr Li s’approcha de lui et lui tendit son étui à cigarette et un briquet. Il aimait allumer ses cigarettes lui-même. Après une ou deux bouffées, Mr Li se sentit autorisé à lui adresser de nouveau la parole :

« Nous avons un problème Monsieur. Personne ne semble être en mesure de mettre la main sur ce Red Hood. Je me permets de vous suggérer de mettre des espions sur sa piste avant d’essayer une nouvelle offensive. »


Sionis ne répondit pas, considérant la proposition de Li avec intérêt. Il avait déjà songé à cette hypothèse, mais il ne voyait pas quel genre d’espion pourrait suivre ce type. Il avait la sale manie de sauter d’immeuble en immeuble, chose que peu d’espions savent faire. Il tira sur sa cigarette.

« Dans la mesure où ses capacités physiques semblent dépasser celles de nos espions, je vous propose de recourir aux services d’un esprit qui pourrait peut être… comprendre Red Hood sans avoir à l’approcher.

- Une alliance avec ce malade de Riddler ? Mh, pourquoi pas ? Tant qu’on refait pas la connerie de s’allier avec le Joker… Ce malade.. »

Mr Li hocha respectueusement la tête avant de quitter les lieux, comprenant la remarque de Black mask comme une autorisation à agir.  Il étendit ses jambes et se rendit compte avec frustration qu’il n’avait pas de cendrier à proximité de son fauteuil. Il écrasa sa cigarette sur son bureau, observant le bois brûler doucement, marqué par la cigarette encore allumée.

« Tu vas déguster, Red Hood, je te le promets..  »