Les dernières semaines s’étaient écoulées rapidement, si rapidement, qu’il en était presque nerveux.

Il sortit son smartphone, un bijou à 700$ qu’il ne maîtrisait pas aussi bien qu’il l’imaginait, et consulta une dernière fois le post-it virtuel qu’il s’était amusé à faire.

- Se débarrasser de Batman
- Se débarrasser du Penguin
- Se débarrasser de Red Hood
- Se débarrasser de Catwoman
- Prendre le contrôle des quartiers Est pour faire chier Catwoman si le précédent point n’est pas fait
- Récupérer un Amazo
- Fonder un super gang avec un nom relativement classe comme « les Faux Visages » pour se débarrasser de tous les connards qui ont planté Janus cosmetics
- Se débarrasser de Circé, la gamine en collants et les acrobates
- Récupérer ma kryptonite
- Remercier le Frigidaire pour ses bons et loyaux services
- Envoyer une carte postale à Double Face et vérifier qu’il est encore très loin de Gotham

- Me débarrasser du Joker et de sa nana

Faire des listes l’avait toujours apaisé, elles lui permettaient de se projeter. Pourtant, bien que celle-ci soit quasiment achevée, elle ne lui procurait aucune satisfaction. L’un des points en particulier le contrariait.
Le Joker, sous son déguisement de bouffon, était une pointure du crime, et en dépit de tout l’argent et de tous les biens qu’il possédait, personne dans les bas-fonds de Gotham n’avait été assez cupide pour accepter de lui courir après et de ramener ses dents à Blackmask.

Bien qu’au fond de lui, cela le vexait immensément, il pouvait comprendre pourquoi. Le Joker et sa pétasse étaient deux clébards enragés, absolument imperméables à toute négociation. Ils n’avaient ni but, ni agenda et par conséquent, ils ne faisaient que ce que ce qui les amusaient, même si cela devait les mettre dans une situation délicate. De toute manière, le Joker s’était sorti d’un nombre improbable de situations désespérées, alors peut-être que les faits lui donnaient raison.

Sionis avait, dans un premier temps, espérer que Batman disparu, le Joker finirait par se donner la mort, trop triste d’avoir perdu le horizon de sa misérable vie. Mais non. Il continuait à emmerder les autres, pauvres criminels raisonnables qui ne voulaient rien d’autre qu’amasser suffisamment d’argent et de pouvoir pour satisfaire leur ego et leur ambition. On lui avait ramené trois dealers en une semaine, et tous avaient un affreux sourire crispé, une grimace de mort odieuse.

Dans un second temps, il avait pensé que Red Hood ou Catwoman s’occuperait du cinglé. Que nenni, ils devaient bien s’amuser à voir le clown perturber ses affaires.

Lorsqu’il avait entreprit de prendre Gotham et de la faire sienne, jamais, jamais il n’avait imaginé que l’un de ses plus grands soucis serait un putain de clown, un chat et un connard encapuchonné.

Il avait alors eu une idée, une idée grossière, insolente et qui n’avait que peu de chance de marcher. Aller sur le terrain. Se mettre sur le toit d’un immeuble, avec sa garde rapprochée, et observer les crétins chargés d’écouler sa drogue. Avec un peu de chance, il tomberait sur eux et règlerait le problème à coup de fusil, ce que personne n’avait été foutu de faire avant lui.

Il rangea son portable dans la poche de son trench, une merveille de haute couture qu’il s’était acheté un peu plus tôt, et releva son col plus haut sur la nuque. Il commençait à pleuvoir.

Avant qu’il n’ait le temps d’injurier la fille de la météo qui avait garantit, sourire éclatant à l’appui, « une soirée dégagée », Mr Li sortit un parapluie de nulle part, l’ouvrit et le lui tendit.

Putain, il sait se faire oublier celui-là, il m’a presque fait peur.

« Monsieur, quelqu’un vient d’entrer dans la planque ! Avec une tenue de clown !
- Et t’attends une invitation de la reine, pour bouger ton cul ? »

L’homme aux jumelles qui venait de débiter cette absurdité déglutit, avant de saisir son talkie walkie et d’envoyer des renforts pénétrer dans le squat. Sionis ravala une insulte.

Ils descendirent tous du toit, Roman Sionis fermant la marche. En dépit des conseils de Li, qui décidément se comportait ces derniers temps plus comme une maternelle trop flippée que comme un conseiller digne de ce nom, il avait tenu à assister à la capture du psychotique qui fichait son business en l’air.

Il voulait lui donner une leçon lui-même. Pas parce qu’il avait une quelconque valeur, mais parce qu’il avait terriblement besoin de se détendre.

Mais, quand après quelques minutes d’explosions, de coups de feu et de ramdam en tout genre, Blackmask pénétra dans le squat, il lâcha un juron.

Ils avaient bien capturé quelqu’un. Mais ça n’était pas le Joker. C’était sa copine.

Et cela sentait mauvais pour trois raisons :

- Il avait pu l’envoyer en éclaireur, et il allait leur tomber dessus dans les 10 prochaines minutes
- Il pouvait décider d’aller la chercher (ça, c’était éventuellement exploitable. Mais délicat à gérer quand on ne peut compter que sur une équipe de babouins.)
- Il l’avait peut être abandonnée, mais ça voulait dire qu’elle devait être de très mauvaise humeur.

« Ben alors, ma chérie, on s’est perdue ? Tu ne trouves plus le cirque ? »

Autant essayer de rester…positif.